MIGRER POUR ÉTUDIER ET SE RÉALISER

Eliza Makarian

Eliza Makarian a quitté la Russie, son pays d’origine, quelques mois après le début du conflit russo-ukrainien. Son arrivée en France représente pour elle davantage qu’un nouveau départ. C’est l’occasion de terminer ses études et de se réaliser, loin de la Russie où la guerre l’en empêchait.

Par David Allias

Eliza Makarian a 27 ans. Il y a deux ans et demi, en septembre 2022, elle quittait son pays d’origine, la Russie et Saint Pétersbourg, deuxième ville la plus peuplée du pays. L’occasion pour elle de fuir la guerre, lancée le 20 février 2022, sept mois avant son départ, L’occasion également, de poursuivre ses études en sciences sociales, en France, où elle est actuellement en master à l’École des Hautes études en Sciences sociales (EHESS), dans le sixième arrondissement de Paris. « Je suis venue en France pour réaliser mon projet professionnel », confie-t-elle. Un projet que la Russie n’était « plus forcément à-même » de lui offrir. Eliza Makarian est une migrante, une migrante-étudiante, comme elle souhaite être appelée.

Car en Russie, depuis le début de l’offensive des troupes de Poutine en Ukraine, le secteur de l’éducation a subi  énormément de modifications, raconte la jeune-femme : « Les professeurs ne sont plus capables de parler librement de politique. Ils se doivent de soutenir le discours du gouvernement russe au risque d’être licenciés ». Un constat de plus en plus fréquent depuis le début de la guerre affirme-t-elle, avec, en toile de fond, la pression de Moscou qui s’accroît sur toute la Russie (population, associations, institutions) et donc, sur l’éducation, secteur autour duquel les libertés se restreignent. « Il y a un an, le ministère de l’éducation a lancé un nouveau programme d’histoire et a introduit un nouveau manuel d’histoire, avec un tout nouveau récit autour de la construction de la Russie. Notamment le fait que désormais, dans ce manuel, les régions de Donetsk et de Lougansk appartiennent au territoire russe ».

La guerre comme point de bascule

Ce basculement dans le récit de la Russie dans l’enseignement s’est effectué progressivement, observe Eliza qui a suivi, comme les 20 millions d’élèves russes, des cours patriotiques (l’équivalent de l’éducation civique, en France) dispensés dans les écoles dès les premières classes. « Ces cours sont enseignés dès l’âge de 6 ans et sont obligatoires. Ils servent à nous former et sensibiliser à la politique extérieure de la Russie ». Des cours qui se sont transformés, depuis le début du conflit russo-ukrainien, en cours théoriques et même pratiques, de stratégie militaire.

Des cours qu’elle n’a plus à subir aujourd’hui, en France, où elle trouve le système éducatif, à la fois de meilleur qualité et surtout, plus prestigieux. Elle s’estime surtout soulagée d’évoluer dans un système au sein duquel elle se sent plus libre, notamment dans l’approche, par les enseignants du rapport au pouvoir. « En France, tous les sujets relatifs à la politique sont évoqués en éducation civique. » Des cours dont l’appellation et le contenu change en Russie où l’on parle davantage d’éducation « militaro-patriotique ».

La venue en France d’Eliza lui permet également d’éviter de nouveaux cours, instaurés dans son pays depuis le début du conflit russo-ukrainien : des cours d’introduction à la guerre sont désormais dispensés chaque semaine, le lundi, sur un sujet différent, relatif à un conflit armé. « Ce sont des cours enseignés dans tous les établissements du pays. On m’a raconté certains cours où les élèves doivent écrire des lettres, ensuite envoyées aux soldats au front ».

David Allias

23 ans.
Journaliste en formation à l’EPJT.
Passé par RFI, La Montagne et La Nouvelle République. 
Passionné de sport et de sociologie.
Souhaite intégrer une rédaction internationale en radio.