L’Opex, la mission sacrée des militaires de l’armée de Terre

Les Opex ont pour mission de défendre les intérêts de la France en dehors de son territoire et de maintenir sa force.  Photo : Amira Mahfoudi/EPJT

Dans un contexte international instable, la France est le troisième pays à déployer ses soldats en dehors de ses frontières, après les États-Unis et la Russie. Derrière ces opérations extérieures (Opex), des femmes et des hommes s’engagent ici ou ailleurs, peu importe le prix.

Par Amira Mahfoudi et Honorine Morel-Jean

Barkhane, Chammal, Licorne ou encore Aigle. Ce sont les noms de quelques Opérations extérieures (Opex) pour lesquelles des militaires de l’armée de Terre ont été engagés ces dernières années en Afrique, au Moyen-Orient ou encore en Europe de l’Est ou centrale. Ils sont près de 40 000 femmes et hommes à être déployés en dehors des frontières nationales, selon le ministère des Armées. En moins d’une décennie, 58 militaires de l’armée française ont perdu la vie dans le cadre de Serval et de Barkhane, les opérations de lutte contre les groupes armés djihadistes au Sahel. Intervenir à l’extérieur du territoire français constitue un passage quasiment évident dans la carrière des militaires. Le commandant David encadre les futurs officiers des Écoles militaires de Bourges, qui passent le mois de janvier au camp militaire de Valdahon (Doubs) pour se préparer au terrain. « Les jeunes lieutenants sont amenés à être davantage projetés qu’il y a une vingtaine d’années car ils sont moins nombreux et la France intervient sur plus de conflits. Presque tous ceux qui sortent de l’école sont projetés dans les deux années suivantes.»

Le graal du métier pour les jeunes militaires 

Cet impératif leur est exposé comme partie intégrante de leur engagement dès leurs premiers pas dans les rangs de l’armée. « Si un militaire refuse le départ en Opex, il n’est plus militaire…c’est le métier », martèle le commandant David. Le sous-lieutenant Mélody se sent prête à partir en opération. « Lors de notre formation, on nous confronte à la notion de sacrifice. En tant que futurs chefs de section, nous donnerons des ordres à nos hommes sans savoir s’ils reviendront vivants.» Au-delà du devoir, le départ en Opération extérieure est perçu par les jeunes militaires comme le graal de leur métier. « C’est un aboutissement. C’est ce qui nous permet d’être opérationnel et d’affronter véritablement la guerre et le conflit », reconnaît avec le sourire fier le lieutenant Siegfried. Il a été sergent chef de patrouille au Mali dans le cadre de l’opération Barkhane. Ceux qui n’ont pas encore été affectés à l’étranger ne cachent pas leur impatience. « J’ai envie de partir et j’en serais ravie, affirme le sous-lieutenant Mélody. On a plus de risques d’être au contact de la mort. Mais même si on a peur de l’inconnu, c’est de la bonne peur.»

Derrière cette fierté d’aller jusqu’au bout de leur engagement, des femmes et des hommes doivent se préparer psychologiquement au détachement. Une étape qui apprend également à leur famille à vivre sans eux pendant quatre à six mois, la durée d’une Opex, sans retour possible entre-temps. Le sous-lieutenant Wallérian a participé à la mise en place en urgence de l’opération Serval en janvier 2013. Il est parti sur le terrain trois jours après avoir été prévenu. Alors en couple et père d’un petit garçon, il raconte les conditions de son départ. « Quand je m’en vais, ce sont des larmes de stress et de peur pour ma compagne. Quand je reviens, ce sont des larmes de joie.» Le Bureau environnement humain (BEH), installé dans chaque régiment (une unité d’environ 1000 militaires), apporte un soutien psychologique aux soldats et à leur famille avant, pendant et après le déploiement. Lorsque les soldats sont en mission, si aucune communication n’est possible avec l’entourage, le BEH invite au régiment compagnes, compagnons et enfants pour leur donner des nouvelles. Avec lucidité, les professionnels de la cellule expliquent aux enfants pourquoi le parent est absent et quelle est sa mission.

Le commandant David raconte son retour d’une mission de six mois en Côte d’Ivoire dans le cadre de l’opération militaire Licorne en 2004.

Une mission qui laisse des traces indélébiles sur le mental des soldats. Les séquelles des combats et des violences requièrent un suivi psychologique dans l’immédiat ou en post-opération. « Lorsque l’on assiste à des pertes, à des décès, à des accrochages ou à de gros événements, ça nous travaille l’esprit. On n’est pas tranquille, surtout quand on est chef », confesse Siegfried, lieutenant, dans un soupir. Des psychologues et des psychiatres sont toujours mobilisés au sein des camps militaires pour agir au rythme de l’opération. Ils doivent assurer un suivi et être capables de donner l’ordre de faire rapatrier des soldats en choc post-traumatique ou de les faire remplacer. Un poids en moins pour les militaires : de nos jours, les avancées technologiques permettent de maintenir le lien avec les proches. « On a la capacité d’avoir des contacts réguliers avec notre famille et, surtout, on peut les voir. Ça, c’est vraiment important », se confie le commandant David. La vie du soldat en Opex se fait une place dans le quotidien des proches restés en France, et vice-versa.

Amira Mahfoudi 

@MahfoudiAmira
22 ans.
Étudiante à l’EPJT.

Honorine Morel-Jean 

@HonorineMJ
22 ans.
Étudiante à l’EPJT.