Longues études et armée
Le choix de l'engagementAprès un exercice sur un simulateur de tirs, les lieutenants sont à l’écoute du moindre conseil. Photo : Hugo Laulan/EPJT
En stage au camp militaire de Valdahon dans le Doubs, les 80 lieutenants et sous-lieutenants de l’école du matériel de Bourges finissent leur apprentissage avant de connaître leur affectation. Si certains ont derrière eux plusieurs années de service et ont su gravir les échelons, d’autres s’engagent dans l’armée à la sortie d’un master dans le civil. Un choix pas toujours évident mais souvent bien réfléchi.
Par Clara Duchene et Hugo Laulan
L’armée de terre forme chaque année 16 000 nouveaux soldats : militaires du rang, sous-officiers et officiers. À l’école du matériel de Bourges, 80 lieutenants sont formés chaque année, entre préparation physique et technique nécessaire à tout militaire et spécificités de l’arme du matériel. Parmi les futurs officiers, nombre d’entre eux s’engagent dans l’armée après de longues et souvent brillantes études. Mettant de côté une certaine idée du confort et de la stabilité, ils choisissent la voie de l’armée, à la recherche d’aventures et d’un cadre bien défini, loin de la routine.
C’est le cas du sous-lieutenant Hugo. Après une licence d’histoire à Valenciennes, puis un master de relations internationales à Bordeaux, « je me questionnais sur mon futur et je voulais avoir une vraie utilité », assure-t-il. En fin d’études, il se lance alors dans une préparation militaire supérieure, un stage de trois semaines dans un camp militaire, pour découvrir et surtout prendre le pouls de la profession. « Au bout de ces trois semaines, je me suis rendu compte que c’était vraiment fait pour moi. »
Réalisation : Hugo Laulan/EPJT
Un métier qui « fascine »
Trois raisons poussent généralement à s’engager dans l’armée de terre : l’héritage familial, le rêve d’enfant et le sentiment patriotique. À cela s’ajoute la vision de l’armée comme un véritable tremplin pour un éventail de carrières possibles.
Si le sous-lieutenant Hugo n’a de son côté pas d’attache dans l’armée au sein de sa famille proche, d’autres ont trouvé l’origine de leur engagement dans la carrière paternelle. C’est le cas de la lieutenant Clara. Âgée de 25 ans et originaire de Colmar, elle a « toujours eu une fascination pour le métier » de militaire, qui était celui de son père. Si elle pensait à s’engager « dès la fin du collège », Clara poursuit tout de même ses études en intégrant Sciences Po Strasbourg et y décroche un master en sécurité intérieure. « Mais je savais que je voulais m’engager » affirme-t-elle.
Le sous-lieutenant Hugo pense à une suite de carrière dans la diplomatie. Photo : Hugo Laulan/EPJT
« C’est vrai qu’en sortie de master à Sciences Po, il y a des choix plus simples à faire » poursuit la sous-lieutenante. « Mais quand je vois mes amies de Sciences Po aujourd’hui dans la routine, je ne regrette absolument pas mon choix ».
S’engager, « un rêve de gosse »
La sous-lieutenante Camille à, de son côté, attendu ses 28 ans pour franchir le pas de l’armée de Terre. Le temps de mener de longues études en biophysique, conclue par une thèse sur le vieillissement de la peau et des muqueuses. Si la réorientation a un peu surpris dans son entourage proche, la femme aujourd’hui âgée de 30 ans n’y voit qu’une suite logique. « J’ai toujours voulu faire l’armée, mais je voulais d’abord acquérir des compétences en faisant des études. »
Comme ses collègues, la peur de la routine et le manque d’action l’ont convaincu de s’engager. « L’action et le sport me manquaient… Et puis, ça a toujours été un rêve de gosse », témoigne Camille. Son parcours universitaire est selon elle, un réel avantage dans ce milieu : « ma thèse m’apporte beaucoup de choses, notamment la capacité à vulgariser et synthétiser, mais aussi des compétences de rédaction ou dans le numérique. »
Réalisation : Hugo Laulan/EPJT
La diversité des parcours est l’une des forces du recrutement au sein de l’armée de Terre. L’école du matériel de Bourges forme autant de lieutenants que de parcours atypiques et singuliers.
Tremplin pour le futur
Une partie des 80 futurs officiers sortent de trois ans de formation au sein de l’école spéciale militaire de St-Cyr, voie « classique » pour intégrer des postes d’officiers dans l’armée. Le lieutenant Louis en fait partie. Avant d’intégrer la prestigieuse école, St-Cyr était pour lui un véritable « mythe ». À tout juste 23 ans, il a eu le « déclic » vers 14-15 ans, au moment des différentes vagues d’attentats qu’a subi la France. « J’ai été touché dans ma chair et j’ai senti que j’avais envie de devenir militaire », partage Louis.
Pour autant, il pose un regard plus ouvert quant à son avenir au sein de l’armée. « Je distingue le service à la France du service aux armées et je ne m’exclue pas de quitter le monde militaire à termes. »
Diplomatie, service public, enseignement… Les voies de réinsertion ne manquent pas pour les officiers arrivant au terme de leur contrat. Et pour un bon nombre de lieutenants, l’armée peut aussi être un tremplin avant une suite de carrière dans le civil. « Nous avons des profils très recherchés pour certaines entreprises ou institutions », affirme le sous-lieutenant Hugo, qui aimerait poursuivre sa carrière dans la diplomatie, en restant dans l’armée ou non.
Accompagner l’après-carrière
Après cinq années de régiment à Poitiers, le lieutenant Virgil a intégré l’école du matériel de Bourges. Aujourd’hui âgé de 29 ans, il imagine aussi une reconversion dans le civil d’ici 10 ans.
« Je sais qu’il y a des passerelles qui pourraient m’intéresser pour devenir fonctionnaire, dans la santé ou l’éducation par exemple », affirme-t-il.
Dans un article d’octobre 2023, le quotidien français Le Figaro affirmait qu’entre 2 000 et 2 500 militaires manquaient par rapport à l’objectif de formation fixé. Pour faire face aux difficultés de recrutement, l’armée française propose de plus en plus de contrats à court ou moyen termes, allant de 2 à 10 ans. Des dispositifs sont mis en place pour accompagner l’après carrière des militaires : à partir de 10 ans, il est par exemple possible de postuler dans une administration d’État, territoriale ou hospitalière.
Le lieutenant Louis n’exclue pas une reconversion dans le civil.
Photo : Clara Lebarbey/EPJT
Les perspectives d’évolution demeurent cependant intéressantes pour les élèves officiers de l’école du matériel de Bourges. Certains restent très attachés à la carrière militaire, comme le sous-lieutenant Guillaume. Après un master en droits des collectivités territoriales, l’officier de 27 ans quitte la fonction publique pour rejoindre l’armée, ce dont il a toujours eu envie. « J’ai longtemps voulu m’engager mais j’ai d’abord dû mettre cela de côté à cause de problèmes aux yeux ». Celui qui se définit comme un « civil endurci », ne se voit plus quitter l’armée à présent. « Dans l’idéal, j’aimerai rejoindre un poste à la DGA (Direction générale de l’armement), mais dans tous les cas, je finirai ma carrière dans l’armée. »
Une diversité de profils donc, de formations, mais aussi d’ambitions au sein de l’armée. Quand certains voient leur carrière de militaire comme un tremplin vers des postes à responsabilité dans le civil, d’autres se projettent à très long terme.
Calara Duchêne
@ClaraDuchêne
25 ans.
Étudiante en journalisme à l’EPJT, passée par OuestFrance et Zoomdici.
Hugo Laulan
@HugoLaulan
22 ans.
Étudiant en journalisme à l’EPJT, alternant à Sud Ouest. Passé par Caviar Magazine, La Nouvelle République, Civil Georgia et Sud Ouest.
Passionné de géopolitique, du monde post-soviétique, d’actu internationale et de foot.
Aimerait devenir journaliste pour un service international.