Dernier club de motards gays de la ville, les San Diego Cruisers parcourent depuis sept ans les routes de Californie sur leurs Harley Davidson. Entre l’homophobie de certains habitants et l’hostilité des autres gangs de bikers, le quotidien de ces motards est de plus en plus compliqué.
Par Lucas BARRIOULET
Cet article a été publié dans le numéro de Technikart de mai 2017
Une route semée d’embûches
Il regarde le SMS qu’il vient de recevoir. « Merde », lâche-t-il. Â côté de lui, Clark, motard new-yorkais fraîchement débarqué à San Diego, jette un coup d’œil au message. « Tu penses qu’ils sont encore en lien avec les Hell’s Angels ? » s’inquiète-t-il. Autour d’eux, tous le monde se tait.
« Nous n’avons pas besoin d’avoir un arc en ciel sur notre blouson pour nous sentir bien dans notre peau »
Stephen, leader des Cruisers
Ainsi, par précaution, les Cruisers tentent de ne pas afficher leur homosexualité ouvertement. Sur leurs blousons, aucun symbole rappelant la communauté gay. « Premièrement, nous n’avons pas besoin d’avoir un arc en ciel sur notre blouson pour nous sentir bien dans notre peau. Et deuxièmement, aucun endroit n’est vraiment sûr. Nous ne savons jamais vraiment qui nous allons croiser sur la route, notamment vers l’est, vers la campagne », confie Stephen.
Le motard qui m’aimait
Pendant ce temps, à l’extérieur du bar, retranchés à l’angle de la rue, David et Evan s’embrassent langoureusement. Cela fait huit mois que ce motard et cet ingénieur sont en couple. « J’ai rencontré Evan grâce au club, lors d’un ride. Nous étions arrêtés à côté d’une station service et il est passé devant nous. Il promenait son chien. Je ne pouvais pas le quitter des yeux », explique David, alias Trooperbear. Entre ses bras, Ben écoute sagement : « J’ai vu tous ces bikers sur le bord de la route, j’étais impressionné et intimidé. Puis j’ai vu David me sourire et venir me parler, j’étais aux anges. »
A quelques mètres de là, adossé à sa Harley Davidson noire, Matthew, alias Wildcard, observe la scène en souriant. « Ils sont mignons, non ? » plaisante-t-il. Ancien parachutiste dans l’US Army en Caroline du Nord, il est le seul membre du club hétérosexuel. Aujourd’hui chargé de la sécurité du club, il explique son choix : « Après avoir quitté l’armée, je ridais (faire de la moto, NDLR) seul, je m’ennuyais. Ma femme est l’ami d’un des Cruisers. Elle m’a parlé du club. Je les ai contactés et, depuis, je passe mon temps avec eux. Après l’armée, j’ai trouvé ici une autre famille. »
« Ces mecs sont capables du pire »
La semaine suivante, les Cruisers prennent la route, direction Long Beach, au sud de Los Angeles. Ils s’en vont rendre visite aux membres des Sailors, le club historique de motards gays de Los Angeles. « Ce sont des mecs bien, sur qui on peut toujours compter lorsque l’on veut venir rider du côté de Los Angeles. Nous allons aux anniversaires des uns et des autres. Nous nous soutenons face aux difficultés. C’est important », confie Stephen.
Le rendez-vous est donné à 8 heures au Starbuck Coffee d’Hillcrest, le quartier gay de San Diego. Après quelques accolades et des plaisanteries, l’heure est au briefing. Tous sont motards et savent les dangers de la route, qui plus est lorsque que l’on roule en groupe. « Une chute et c’est terminé », résume David.
Ce jour là, les Cruisers ne croiseront aucun d’entre eux. Il y a trois mois, Rob a été moins chanceux. Alors qu’il roulait seul aux alentours de Fresno, une petite ville rurale du centre de la Californie, un motard l’arrête et le fait se rabattre sur le côté de la route. « Il m’a regardé avec insistance, avant de me demander ce que je faisais là. Lorsque je lui ai répondu que j’étais en ballade, il m’a dit de ne plus revenir, à moins d’avoir eu son autorisation », explique-t-il.
Au delà du club
Une fois de retour à San Diego, le groupe décide de faire escale au Loft. Nous sommes dimanche soir et l’ambiance est bien moins festive que d’habitude. Mais les Cruisers ne sont pas là pour ça. En plus de leurs virées quotidiennes en moto, ils tentent de venir en aide à ceux mis de côté par la société américaine grâce à des levées de fonds. « Ce soir, nous vendons des vêtements et des shots d’alcool. Tout l’argent récolté est destiné aux associations de la ville qui aident les familles touchées par le Sida », explique Rob entre deux poignées de mains.
Lucas Barioulet
@LucasBarioulet
Après un DUT, Lucas a effectué sa licence EPJT à San Diego (Etats-Unis), spécialité TV.
Il est également diplômé de l’université d’Etat de San Diego.
Photoreporter et videaste freelance, il a travaillé régulièrement pour Le Monde, Libération, Le Parisien, Le Figaro, La Croix, Rue 89, Technikart, Garçon Magazine, Sud Ouest, The UCSD Guardian. Il travaille également en tant que photographe corporate.
Retrouvez ses photos sur son site.