Armée et vie de famille
entre sacrifices et conciliationsL’absence d’un père, d’une fille ou d’un conjoint n’est pas chose aisée à gérer au sein d’une famille. Et les officiers de l’école du Matériel de Bourges (EMB), en exercice de manœuvre au camp militaire de Valdahon (Doubs), tentent de trouver le délicat équilibre entre le travail et l’intime.
Par Inés Alma et Sarah Costes
Privilégier sa carrière
Muni d’un cache cou kaki, d’un bonnet noir, d’une veste imperméable et d’un fusil d’assaut, la sous-lieutenant Justine L. « a fait le choix du travail ». Même si elle assure que l’armée n’est pas « incompatible avec la vie familiale », la jeune femme de 31 ans avoue s’être séparée de son compagnon lorsqu’elle est entrée dans l’armée en septembre 2022 : « Quand j’ai commencé à m’engager, j’étais en couple depuis six ans et fiancée. J’ai arrêté ma relation parce que mon conjoint aurait été malheureux s’il avait dû me suivre. À l’inverse, je l’aurais été si je n’avais pas pu commencer ma carrière ».
Pour autant, la plupart des militaires interrogés croient en cette vie de famille. C’est le cas de Florent O., lieutenant de 26 ans : « Ça se saurait si on ne pouvait pas être militaire et avoir une famille ! » Et de fait, selon le 15e rapport du Haut comité d’évaluation de la condition militaire (HCECM), de février 2022, 53 % des engagés vivent en couple et dont 32,3 % sont mariés (contre 66 % en 2010), 16,3 % sont pacsés et 4,3 % vivent en concubinage. L’exemple de leurs aînés, pour beaucoup mariés, permet aux jeunes lieutenants et sous-lieutenants de l’Ecole militaire de Bourges (EMB) de se projeter dans une vie de famille possible et gérable. Pour achever cette image négative de la vie privée en garnison, la plateforme du ministère des armées sengager.Fr lui consacre un volet entier pour tenter de rassurer les frileux. Surtout qu’ils bénéficient de moyens de communications rapides et efficaces : WhatsApp, Messenger, SMS. Et même les modes de communications old school sont utilisés par les plus romantiques. « J’ai retrouvé des lettres que j’avais écrites en mission. Je n’en avais aucun souvenir puisque j’étais dans ma bulle. Aujourd’hui, on en rigole avec ma femme et mes enfants », laisse échapper avec un sourire Christophe C. Certains jeunes racontent, non sans étonnement, le temps révolu de leurs supérieurs, dont les femmes étaient suspendues au combiné téléphonique des jours durant pour grappiller la moindre nouvelle.