LES JEUNES AFRICAINS
PIERRES ANGULAIRES DE LA STRATÉGIE D'EXPANSION RUSSEAu Burkina Faso, le drapeau de la Russie a remplacé celui de la France : Photo AFP Issouf Sanogo
Depuis plus de deux décennies, la Russie tente d’étendre son influence sur le continent africain. Avec la présence des forces armées de la milice Wagner, devenue Africa Corps et récupérée par Moscou. Mais aussi et surtout avec un plan autour de la jeunesse africaine, sur laquelle la Russie mise pour se positionner comme l’un des leaders de l’hémisphère sud.
Par David Allias
La Russie s’est implantée progressivement sur le territoire africain. D’abord en 2014, via sa milice paramilitaire Wagner, dirigée par l’oligarque russe, Evgueni Prigojine (décédé en 2023). Mais ce n’est que trois ans plus tard que les forces russes arrivent en Afrique, et plus précisément, au Soudan en 2017, dans le cadre de la formation militaire et en sécurité pour le Régime d’Omar el Bechir, président du Soudan entre 1989 et 2019. Néanmoins, des liens ont existé par le passé, entre l’URSS et le Mali, en 1960.
Aujourd’hui, les forces russes sont déployés dans plus d’une dizaine de pays, notamment au Sahel (République Centrafricaine, Tchad, Niger, Mali), région considérée comme le « joyau de la politique de Moscou » et où la stratégie russe vis-à-vis des jeunes prend sa source.
Avec Wagner, la Russie offrait à une partie de l’Afrique, sa protection militaire aux civils, contre certains groupes jihadistes qui sévissent sur le continent, au Niger, ou en République Centrafricaine, par exemple. En échange, les Russes ont pu exploiter les ressources minières de ces pays, après avoir gagné leur confiance en insistant sur le départ des forces françaises du Sahel et institué un fort ressentiment envers la France.
À Bamako, par exemple, au Mali, « la junte militaire actuellement au pouvoir s’est rapprochée de Wagner sur fond de retrait de l’opération Barkhane », expliquent les chercheurs de l’INSERM, Maxime Audinet et Emmanuel Dreyfus, dans un rapport de 2022 sur la présence de la Russie au Mali.
Les jeunes africains, clé de voûte du soft power russe
En République Centrafricaine, Wagner a également misé sur les enfants pour assoir son influence sur les populations. Dans un reportage de 2022, Arte montrait des enfants chanter les louanges des mercenaires russes dans les rues de Bangui : « Les nouvelles armes sont arrivées, nous pouvons combattre les rebelles ». Ces chants leur sont enseignés depuis leur plus jeune âge, par des membres du gouvernement centrafricain, totalement sous la coupe de la milice Wagner.
En 2019, la Russie instaurait un programme d’étude de la langue russe dans 28 pays d’Afrique, dans le cadre du premier sommet Russie-Afrique. L’objectif : s’installer à terme en Afrique, où l’âge médian est de 19 ans, pour s’affirmer assoir sa domination dans l’hémisphère sud.
Ce programme vise aussi à favoriser les chances d’admission des étudiants africains dans les universités russes où Moscou a également instaurer l’étude du swahili et de l’amharique, depuis septembre 2023. Par-là, la Russie souhaite d’une part renforcer ses liens avec l’Afrique et d’autre part, être perçue, comme opportunité de réussite et d’ascenseur social pour les étudiants africains, comme ce fut le cas, bien des années plus tard de Marc Alovi, étudiant togolais en ingénierie en Russie, dans les années 80, devenu professeur dans lycée de Lomé (capitale Togolaise). Une opportunité « formidable et une véritable chance », racontait-il à la BBC en janvier 2024.
Par ce biais, les Russes ont peut-être également l’ambition de former une nouvelle élite, fidèle à la Russie, pour de nombreuses prochaines années. Et le passage de Wagner à Africa Corps, contrôlé directement par Moscou, confère aujourd’hui encore plus de consistance aux velléités russes en Afrique, en ouvrant les perspectives aux secteurs politique, à l’économie et l’éducation.
Infographie réalisée par David Allias (EPJT).

David ALLIAS
23 ans.
Journaliste en formation à l’EPJT.
Passé par RFI, La Montagne et La Nouvelle République.
Passionné de sport et de sociologie.
Souhaite intégrer une rédaction internationale en radio.