Appui émotionnel journalier et apport nécessaire pour conserver une bonne condition physique, l’alimentation est un point central dans le quotidien des militaires français, et notamment pour les élèves de la division d’application (DA) du matériel de l’école de Bourges. Entre plaisir, contraite, nécessité et convivialité, la nourriture s’est révèlée être un enjeu majeur au sein de l’armée française.
Par Maëva Dumas et Edgar Ducreux
La combine du petit-déjeuner
Pour comprendre l’intérêt des élèves de l’école de Bourges pour le petit-déjeuner fourni par l’Armée de terre, et qui est commun à tous les camps, il suffit simplement de lire sur les visages.
Mines crispées et ton ironique, il est loin de l’unanimité auprès des lieutenants. La raison de ce désamour réside en un seul point : le petit-déjeuner n’est pas particulièrement varié mais il est surtout considéré comme faible par rapport aux besoins caloriques des militaires.
Biscottes, portion de beurre et de confiture de 20g, miel, pain, thé, café et lait, la liste des produits proposés se résume rapidement et semble maigre. En 2019, le Ministère des Armées estimait qu’un militaire moyen dépense en moyenne 2500 à 3000 kcal par jour : un rythme intense qui ne semble pas pouvoir être tenu au vu du petit-déjeuner proposé.
Point de frustration chez la plupart des militaires, ces derniers qui ont toutefois trouvé une parade à cette déception : le petit-déjeuner en chambre. Moment de convivialité insoupçonné, il rassemble chaque matin les occupants des dortoirs autour de produits qu’ils apprécient et qui leurs assurent un apport calorique suffisant.
Dans la chambre partagée par les lieutenants Charlotte, Ombelline, Clara et Aline, la bouilloire disposée sur la table trouve difficilement une place à côté des fruits, biscottes et barres de céréales. Trésor alimentaire qu’elles se partagent quotidiennement, et notamment lors du petit-déjeuner, cet amoncellement de nourriture représente pour elles la certitude « d’avoir suffisamment à manger pour la matinée » mais également un réconfort émotionnel. « Avoir des produits que l’on apprécie au quotidien c’est sûr que ça aide toujours un peu pour le moral, notamment quand on partage ça ensemble » confie lieutenant Aline en présentant leur petit-déjeuner.
La ration, entre aversion et nécessité
Un lien affectif au petit-déjeuner que la ration pourrait jalouser. Définie comme « l’ennemie du goût et du palais » par la plupart des militaires, elle garde toutefois une place importante dans leur régime alimentaire.
En stage ou en opex (opérations extérieures), elle s’avère même être une bonne alliée quand l’effort est intense et que le corps est en demande nutritionnelle. « Ça n’a peut-être pas un bon goût comme ça mais après des heures dans la forêt, sous des chaleurs assommantes, je peux vous assurer qu’on s’y jette presque dessus » souligne lieutenant Manon en présentant aux côtés du lieutenant Frédéric une boîte pleine de rations.
Une variété culinaire qui permet à chaque militaire de pouvoir s’alimenter suffisamment et qui instaure fatalement des préférences chez chacun d’entre-eux comme pour le lieutenant Frédéric qui apprécie la ration composée « d’une tartiflette».
La popote ou la convivialité par l’alimentation
La ration, qui reste ponctuelle dans le quotidien des militaires, et le petit-déjeuner ne semblent toutefois pas pouvoir faire concurrence à une institution au sein de l’Armée de terre : la popote.
Café-bar à l’allures clandestine, cet espace auto-géré et propre à chaque division est un endroit de convivialité où chaque soldat peut venir se restaurer à moindre coût.
Canettes de soda, pains au chocolat industriels, sirops, crêpes maison ou croques-monsieur, la carte proposée par les élèves de la DA du matériel de l’école de Bourges est variée et veille à fournir différents produits à chaque moment de la journée.
Mais le succès de la popote réside surtout en soirée où les militaires ont pour habitude de se retrouver autour d’une bière. Décompresser de leur journée et consolider la cohésion de groupe, la popote n’est pas simplement un lieu de restauration mais avant tout un espace de convivialité primordial dans la vie de la division.
Une tradition propre à chaque unité mais qui peut toutefois créer des crispations, notamment du côté des foyers proposés dans chaque camp militaire. À Valdahon, Julien et Nadine, employés de cet « espace convivialité », sont partagés par l’existence des popotes qui ont un impact direct sur leur activité.
Une concurrence rude entre ces deux espaces mais qui révèle bien la place de premier plan que tient l’alimentation au sein de l’Armée de terre et dans le quotidien des militaires.