Adopte un mec et son moteur de recherche Gogole. Photo Julien Privat
Cocher des cases pour trouver sa moitié. Avant, c’était avec un stylo. Aujourd’hui, c’est sur Internet. La technologie évolue, les algorithmes aussi. Pourtant, ils n’ont toujours pas résolu l’équation de l’amour.
M. Theodore Twonbly. Bienvenue sur le premier système d’exploitation intelligent. Nous aimerions vous poser quelques questions. » Pour rompre sa solitude, Theodore s’adresse à son ordinateur. Celui-ci génère une voix. Celle d’une femme douce, aimante et compréhensive : Samantha, la femme de ses rêves. Theodore tombe vite amoureux. Et si, comme dans Her de Spike Jonze, les algorithmes façonnaient notre moitié ? Ce matching parfait dont tout le monde rêve. C’est l’objectif de tout site de rencontres qui se respecte.
Car la réalité ressemble de plus en plus à la fiction. Les algorithmes sont déjà aux commandes dans de nombreux domaines de nos vies. Un peu flippant, non ? Pourtant, le principe est simple : une suite d’instructions qui permet de résoudre un problème informatique. Précisez ce que vous chercher, les algorithmes sauront vous le trouver. Il n’y a qu’à demander. Ils font d’ailleurs le succès des géants du Web tels qu’Amazon, Deezer, Google, Netflix, Youtube, etc. Big Brother est partout. Même dans notre vie amoureuse. Un site de rencontres qui fonctionne bien, c’est un algorithme performant et une liste de cases à remplir longue comme le bras. Certains, comme Adopteunmec, opération marketing oblige, jouent la carte du décalé : alimentation, life style, mensurations, etc. Mais le principe reste le même : trouver son semblable. L’informatique se charge du travail. Chez Adopteunmec, le moteur de recherche s’appelle Gogole. « Vous voyez à qui ont fait référence », glisse Elodie Angers, la responsable des relations presse du site. La dérision toujours et encore. Mais il ne faut pas croire que c’est une critique du modèle. Car Adopte, comme tous les autres, s’inscrit dans une logique somme toute assez simple : « Plus vous leur fournissez d’ informations, plus ils sont censés vous trouver la personne idéale, explique la psychanalyste Fabienne Kraemer. Mais ça, c’est complètement fumeux. »
Ton psy, c’est ton ord
Un constat que Meetic a aussi fait. Le pionnier du domaine a compris qu’il fallait évoluer et sortir des sentiers battus. En 2012, il met en place le Daily Six : « On propose chaque jour à notre utilisateur 6 profils différents de ceux qu’il souhaite rencontrer. Il y a souvent une différence entre ce qu’on dit aimer et ce qu’on aime réellement. En psychologie, c’est ce qu’on appelle la dissonance cognitive », explique Laurence Le Gouic-Parot, responsable presse du site. Les algorithmes seraient-ils devenus psychologues ? En tout cas, ils savent mieux que toi à qui ressemblera ton prince charmant. « Meetic se base sur les traces laissées par leur client. Une internaute note qu’elle veut un grand blond mais le courant est déjà bien passé avec un petit brun. Un brun avec de l’humour ou passionné de bricolage pourra donc faire partie de son Daily Six. Le matching a vraiment évolué mais le cadre reste figé », précise Catherine Lejealle, sociologue du digital.
Eh oui, ce n’est pas parce que le mec remplit toutes nos attentes – grand, blond, végétarien qui aime Tintin et ne fume pas – que ça va coller. Si c’était aussi simple, ça se saurait. Catherine Lejealle est catégorique : « L’amour ne peut pas se mettre en équation. » Les algorithmes sont très forts mais ils n’ont pas encore, comme Cupidon, le pouvoir de décocher des flèches. Rassuré(e) ? P. D. et J. P.